Eric Poindron êtes-vous là?

Eric Poindron ! Un bien drôle de nom pour un bien drôle d’auteur. Passant d’un livre sur le réalisateur Ricardo Freda à des ouvrages consacrés au champagne ou au whisky, de Paul Fort aux Mystères et diableries en Champagne-Ardenne… l’homme a de quoi nous surprendre. Aux carrefours des mauvais genres, du mystérieux, du populaire, cet amateur de cabinets de curiosités avait tout pour me plaire avant même que je le connaisse. C’est très récemment pourtant que j’ai ouvert un de ses livres, en l’occurrence le dernier paru : De l’égarement à travers les livres aux éditions du Castor Astral dans la collection (si bien nommée) « Curiosa & caetera » que le sieur Poindron dirige lui-même.
Que dire de ce livre sans tomber dans une bien emmerdante analyse journalistico-universitaire… Eh bien que c’est un livre pour les amoureux des livres et des mystères de la littérature (mais pas seulement). Bien qu’absolument inclassable, De l’égarement... est assez simple à présenter :
Le narrateur est contacté par une société secrète, le « Cénacle troglodyte », un cercle de personnes obscures s’adonnant à des recherches sur les mystères cachés derrière l’histoire officielle de la littérature. Ainsi vont se croiser les figures de Nerval, de Lewis Carroll, d’Alexis Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym, de Marcel Schwob, du Grand Jeu ou de Lovecraft, et derrière eux, autant de mystères à élucider. Roman feuilleton, ésotérisme, magie et poésie se côtoient et font vaciller les frontières de la réalité et de l’imaginaire. Un très bon livre dans lequel se perdre !!

Et pour saluer le monsieur, laissons-lui la parole :

« Qui lit trop devient fou » lit-on en 4ème de couv. de votre dernier ouvrage, l’êtes-vous ?
Ni fou ni dupe, ou à moitié fou, à moitié dupe. Et j’ai une grande tendresse pour les fous, qu’ils soient littéraires ou de bassan.

Quelle est votre activité préférée ? Editeur, écrivain, critique, animateur d’ateliers d’écriture… ?
J’aime beaucoup écrire des livres qui n’intéressent que moi ou presque et qui se vendent mal, toutefois j’aime encore plus éditer des livres qui m’intéressent et que je m’efforce de vendre. Allez comprendre.

5 livres à sauver des flammes, de l’eau, des lutins maléfiques (pas 6) :
Dans le désordre Le Signe des quatre de Sir Arthur Conan Doyle, Le Quart de Nikos Kavvadias, Moscou-sur-Vodka de Vénédict Eroféiev, Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas et L’Anthologie de la subversion carabinée de Noël Godin, alias Le Gloupier, alias l’entarteur.

J’ai répondu sur votre facebook à la question « Que lisez-vous en ce moment ? », je vous la retourne.
Le matin, je lis le Collectionneur d’Impostures de Frédéric Rouvillois (Flammarion). Avant midi, je lis Le Dictionnaire visuel des monde extra-terrestres (Flammarion). A l’heure des informations, soit de 13 heures à 13 heures 45, je lis Spirite, un texte rare de Théophile Gautier - un écrivain ami - que les éditions du Sagittaire viennent de rééditer. Le soir, pour me détendre, je lis Malheur à qui me dessinera des moustaches, romans-photos parus dans Hara-Kiri de 1962 à 1966. Le professeur Choron avait encore des cheveux, une bien belle époque ! Avant de me coucher, je lis Le Démon de Malkirk de Charles Sheffield (éditions Terre de Brume), les aventures imaginaires du docteur Erasmus Darwin, le grand père de Charles, un mélange très réussi de policier et de fantastique. Et je vais bientôt commencer la lecture de La Triste histoire des frères Grossbart, de Jesse Bullington (éditions Eclipse) l’histoire sanglante de deux frères jumeaux, tueurs en séries dans l’Europe médiévale, un joli mélange de Gore et de Rabelais. Comme vous pouvez le voir, je suis un garçon très organisé. Il s’entend que je vous recommande tous ces livres.

Il paraît que l’on ne peut pas avoir plus de 5000 amis sur facebook, vous en avez 4960 à ce jour. Allez-vous vivre seul dans le désert passé ce stade ?
J’en avais 5000 mais je ne pouvais plus en ajouter, alors toutes les semaines, j’en retire, à la façon roulette russe. A la vérité, j’en ai beaucoup plus car je possède d’autres comptes Facebook : un cabinet de curiosités, la collection Curiosa & cætera que je dirige au éditions du Castor astral, et deux autres comptes sous pseudonymes. Mon goût des farces et des mystifications, très certainement.

Citez trois acteurs/actrices morts ou vivants que vous auriez voulu voir jouer dans un film porno ?
Jenny Colon, la vilaine comédienne qui rendit fou Gérard de Nerval, la merveilleuse Sarah Bernhardt et sa jambe de bois, et Mademoiselle Luzy de la Comédie Française dont j’aime tout particulièrement le buste de Jean-Jacques Caffieri que l’on peut voir au Musée Carnavalet, à Paris. Autre temps, autre mœurs, donc nous pourrions apprendre quelques trucs et astuces de gourgandines…

Avez-vous déjà volé un livre ?
Énormément et dans beaucoup de villes. Et pour moi, et pour les autres. Mais il y a longtemps, c’est un précieux conseil que je tiens d’un chanteur (et écrivain) célèbre. Nous roulions dans la Porsche qu’il venait de racheter à Jane Birkin et il m’a dit tout simplement : « Tu n’as pas les moyens d’acheter des livres, alors vole-les ! » C’est du reste ce qu’il faisait avant de pouvoir se les offrir. Je me suis toujours dit que si je me faisais prendre je dirai pour ma défense : « Ce n’est pas de ma faute, c’est X qui me l’a dit »

Que voudriez-vous dire, faire à Katherine Pancol si elle se matérialisait devant vous à cet instant précis ?
Je lui dirais que c’est très vilain de prendre en otage les écureuils afin d’en faire le titre d’un très mauvais livre. Je lui dirais aussi que les écureuils ne sont pas tristes mais au contraire très belliqueux et qu’ils n’hésitent jamais à sauter au visage des mauvais écrivains. Je lui dirais enfin que si Coco était encore vivant – Coco était l’écureuil de Berbiguier de Terre-Neuve du Thym, l’auteur de Les Farfadets ou Tous les démons ne sont pas de l'autre monde –, il chasserait les mauvais livres comme il le fit en son temps des mauvais sujets.

Citez un auteur que vous avez un peu honte d’aimer :
Je n’ai jamais honte, hélas, mais si j’avais honte, j’aurais honte d’avoir honte.

Quel éditeur (mort ou vivant) est pour vous un modèle absolu d’intégrité ?
Samuel Brussel, des éditions Anatolia dont le catalogue est un modèle du genre. Je crois que j’aime tous ses livres. J’aime aussi énormément J.B. Pontalis et la collection « L’Un et l’autre » qu’il dirige chez Gallimard.

Si vous aviez été un chanteur, lequel auriez-vous aimé être ?
Un contre-ténor ou un homme orchestre avec une grosse caisse et des colombes.

S.A.S. ou Brigade Mondaine ?
Les deux mais en picorant seulement. Je préfère relire parfois quelques pages érotiques de la belle et rare collection Aphrodite Classique, ces jolis livres rose et bon marché qui firent la joie des érotomanes distingués. Je crois que je possède presque tous les titres.

Avez-vous déjà pleuré en lisant un livre ?
Oui, mais de rire, en lisant et relisant l’œuvre de P.G. Wodehouse - « Ce qu’a fait Shakespeare est très différent de ce que je fais, mais cela ne veut pas forcément dire que c’est moins bien. », les livres désopilants de Will Cuppy ou L’œil de l’idole de S.J. Perelman – qui fut un pilier du New Yorker -, un petit chef d’œuvre d’irrévérence et de drôlerie édité par les jeunes éditions Wombat. C’est d’un comique absurde incomparable. Un exemple : « au cas où j’aurais manqué à quelqu’un cet après-midi à la Marmaid Tavern, au moment précis où la bibine, circulait, je précise que j’ai passé l’essentiel de mon temps alangui sur ma méridienne, vêtu d’un négligé orné de plumes de marabout d’Afrique, à lire d’immondes caramels et à dévorer des romans français à couverture jaune. »

Avez-vous déjà vomi en lisant un livre ?
Je ne vomis pas facilement et encore moins sur un livre.

Avez-vous déjà suivi une femme dans la rue ?
Oui, la Nadja d’André Breton, livre à la main, en refaisant le parcours. Restif de la Bretonne suivait les femmes dans la rue, mais c’était au XVIIIe siècle.

Avez-vous déjà été suivi dans la rue ?
Une fois par un étrange bibliophile qui m’a proposé de faire partie d’une société secrète mais j’ai refusé. Une autre fois, par Gérard de Nerval, le poète, à Paris, en hiver, il y a une vingtaine d’années. Nerval était pourtant mort depuis presque deux siècles mais ça ne m’a pas étonné.

Si vous deviez m’offrir un livre là, tout de suite :
Je vous offrirais les Fables de - Jean-Pierre Claris de – Florian comme un clin d’oeil et Estelle et Edwige, les demoiselles de l'étrange du regretté Jean Rolllin, pour la bonne bouche.

Si je voulais vous offrir un livre, qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?
Tout de suite, sans réfléchir, les Œuvres de Thomas De Quincey l’écrivain raffiné, érudit et touche à tout - Confessions d'un mangeur d'opium anglais, De l'assassinat considéré comme un des Beaux-Arts, Souvenirs de la région des Lacs et des poètes lakistes, Les Derniers Jours d'Emmanuel Kant, La Malle-poste anglaise - qui viennent de paraître en Pléiade

Que vous inspire la formule « carrefour étrange » ?
Une malle fantastique et de bien mauvais genre à quadruple ou quintuple fond – et fonds.

Quel type d’hérétique êtes-vous donc monsieur Poindron ?
De la pire espèce, un disciple de Fra Dolcino.

Avez-vous compté les livres de votre bibliothèque ?
Ma maison est une bibliothèque. A vue d’œil, environ 15 000 et sur tous les sujets.

Que collectionnez-vous d’autre que les livres avec frénésie ?
Les pierres, les crânes, humain ou non, les animaux empaillés, les armes blanches, les boussoles, les loupes, les pierres, les fossiles les coquillages, les animaux étranges, les paires de chaussures, les montres et les crucifix, en autres.

Que pensez-vous de l’activité qui consiste à sucer des cailloux ?
J’ai toujours sucé des cailloux et j’en m’en porte fort bien ma foi.

Envoyez-moi une ou plusieurs photos de votre bibliothèque


Et sinon, des projets ?
Je termine un livre sur les cabinets de curiosités, puis je vais m’enfermer au mileu des bois durant un mois dans une maison prétendue hantée afin d’en faire un livre.